La Constructech vue par François Darbandi

Depuis de nombreuses années, le numérique est devenu indissociable du secteur de la construction. Un terme est apparu pour définir cette liaison entre ces deux activités, celui de Constructech. 

Découvrez, dans cette interview le point de vue de François Darbandi, Directeur Général de C2S, sur ce marché florissant et sur le rôle que joue C2S.

François vous êtes Directeur Général de C2S Bouygues, pourriez-vous décrire le rôle que joue l’entreprise au sein du groupe Bouygues et à l’extérieur ?

C2S est l’entreprise de Services du Numérique du groupe Bouygues depuis plus de trente ans, et aujourd’hui notre rôle prend de l’ampleur compte tenu de l’importance croissante que prennent l’informatique et le digital dans tous les métiers. C’est devenu une évidence depuis bien longtemps pour les télécoms et les médias. Aujourd’hui, ça devient une nécessité impérieuse de digitaliser le secteur de la construction, en particulier de faire bénéficier au terrain des avantages que peuvent leur apporter des applications qui leur sont dédiées.

La raison d’une société informatique dans un groupe comme le nôtre, c’est donc d’une part, d’avoir – en complément des DSI du Groupe – des spécialistes qui permettent d’accélérer et de sécuriser ses transformations digitales ; et d’une autre, d’enrichir son offre et ses savoir-faire par des solutions informatiques.

Par exemple dans un bâtiment ou dans une ville, de plus en plus d’équipements sont pilotés par informatique. Cela concerne, la vidéo-protection, la gestion des flux de personnes ou de véhicules ou encore la gestion de l’énergie. Ces services demandent des expertises spécifiques en informatique que nous cultivons.

Nous avons une troisième raison d’être, c’est de contribuer à la création de nouveaux business grâce au digital. De nombreuses entreprises voient le jour au sein du Groupe, ce qui offre de nombreuses opportunités. Ça a notamment été le cas avec le projet My Living Bloom en collaboration avec le Groupe COLAS : une plateforme BtoBtoC pour aménager les abords des maisons individuelles. C’est ainsi que COLAS s’est ouvert au marché du BtoC. Nous avons également contribué à la naissance de Com’in dont les services permettent aujourd’hui de maîtriser l’impact des chantiers sur l’environnement et la santé.

Aujourd’hui, tous les grands groupes se préoccupent de ces enjeux et se dotent d’entités comme la nôtre. Le groupe Bouygues peut compter sur C2S depuis trente ans.

Récemment on entend beaucoup parler d’une application créée par C2S : QuickConnect. Est-ce que vous pourriez nous expliquer de quoi il s’agit ?

QuickConnect est une application mobile « no-code » destinée à la remontée de données des chantiers. Elle permet par exemple à un responsable santé sécurité, qualiticien ou encore à un chef de chantier de paramétrer différents cas d’utilisation de manière extrêmement simple ; et donc de faciliter la saisie et l’utilisation d’informations en s’affranchissant de tous les formulaires papier encore trop présents sur le terrain.

Tout au long de sa journée, un opérationnel doit saisir une grande variété de données depuis des formulaires papier ou des interfaces informatiques différentes. Il peut être amené à quitter le chantier, retourner au bureau pour de la gestion administrative avec des interfaces qui ne sont pas mobiles… C’est là que QuickConnect intervient. Elle s’ajuste à la fois aux besoins croissants de collecte d’informations et de remontée de terrain, et à la réalité opérationnelle des gens sur le chantier en leur offrant une interface mobile et ergonomique, adaptée à leurs besoins. C’est un outil tout-en-un qui permet de s’interconnecter aux autres systèmes, ce qui évite de jongler d’une interface à l’autre ou de devoir collecter de la donnée par des voies différentes. Elle s’adapte au rôle de chacun et crée une passerelle entre le terrain et les besoins de collecte. Elle peut donc se connecter aux autres applications, telles que Salesforce ou SAP par exemple.

Les applications sont souvent conçues par les fonctions centrales de l’entreprise de manière distinctes pour une thématique bien précise sans vision coordonnée de la journée d’un opérationnel sur le terrain. Par exemple une application spécifique à la santé sécurité, une autre pour le contrôle qualité ou encore pour remonter des données commerciales ou financières. QuickConnect concentre, pour l’opérationnel, l’ensemble de ce qui est attendu de sa part en matière de saisie de données et lui permet d’accéder aux informations essentielles pour sa journée.

D’où est venue cette idée ?

D’il y a plus de trois ans avec le Easy Digital Challenge, un concours d’idées lancé par Alain Moustard aujourd’hui Directeur de la Transformation Digitale du Groupe COLAS. En effet, question posée aux collaborateurs du Groupe était alors « Comment faciliter la vie des collaborateurs au quotidien ? », la règle imposée demandait que cela intéresse plusieurs métiers du Groupe.

C’est comme ça qu’est né l’idée de QuickConnect. C’est une équipe constituée de collaborateurs issus du groupe COLAS et de Bouygues Immobilier qui ont fait naître cette idée. Ils l’avaient d’ailleurs déjà baptisée QuickConnect. L’intention initiale était de faciliter au mieux les interactions avec les équipements, par exemple pouvoir signaler une panne sur un camion et remonter des données d’usage d’un équipement comme sa consommation ou une notice d’utilisation.

Le concept a été prototypé dans le cadre du Spot Bouygues avec les étudiants de Epitech. Ensuite, un pilote plus large a été effectué avec COLAS Rhône-Alpes Auvergne. Bouygues Travaux Publics s’y est très vite été intéressé dans l’optique d’optimiser sa production  et l’a largement déployé et enrichi en France comme à l’International. COLAS l’a ensuite largement déployé en moins de deux mois en commençant par ses processus santé sécurité avec de très bons résultats en matière de prévention.

On a très vite compris l’importance de transformer ce besoin spécifique en produit générique.

Si vous deviez donner trois avantages de la plateforme, lesquels seraient-ils ?

Le premier avantage, c’est d’abord le fait que ça soit une application mobile avec une ergonomie pensée pour les conditions du terrain. Les travailleurs en première ligne ont longtemps été négligés dans la transformation numérique au profit des « cols blancs » dans les bureaux.

L’ergonomie de l’interface utilisateur s’adapte à ce qui est demandé à l’utilisateur en fonction de son rôle et non l’inverse comme c’était le cas auparavant. L’utilisateur devait s’adapter et jongler entre des interfaces hétérogènes.

Enfin je donnerais la facilité avec laquelle elle s’intègre et se déploie dans les systèmes d’information, qui permet ensuite de remonter en flux tendu des données immédiatement exploitables par les responsables. Grâce à ses API et ses connecteurs, les DSI peuvent l’intégrer à la fois aux systèmes d’information et surtout aux systèmes décisionnels des entreprises. Ceci est capital pour maîtriser nos données de terrain qui traduisent nos savoir-faire et qui constituent souvent des informations sensibles. Ces données nous permettent ensuite d’optimiser nos activités grâce au BigData et à l’IA. A ce titre, ces données sont très convoitées par de nouveaux acteurs susceptibles de commercialiser des services avec nos données et préempter ainsi une partie de la valeur de nos métiers.

Qu’est-ce qui différencie QuickConnect des autres solutions de gestion de formulaires ?

Dès qu’il y a un besoin il y a un marché ! Les solutions de gestion de formulaire, fleurissent dans le monde entier. Mais un des éléments importants qui a amené COLAS à choisir QuickConnect, ça a justement été ces problématiques d’intégration et de robustesse. La performance des autres solutions n’était à l’époque pas adaptée. L’architecture que nous avons choisie répond à ces enjeux et permet une grande scalabilité et des performances appréciées par le terrain.

Le caractère stratégique de la donnée que j’ai déjà évoqué est également à considérer pour prendre la bonne décision en termes de solution et de partenaire. Les fortes capacités d’intégration et donc de

Voilà les trois grandes différences que je donnerais : robustesse, intégrabilité et maîtrise de nos données métier. Nous avons des compétiteurs qui n’ont pas démontré la même capacité à s’intégrer à des produits comme Salesforce, avec les exigences de sécurité demandées ou la même garantie pour protéger nos données.

L‘interface mobile est par ailleurs plus adaptée à nos métiers qui sont parfois très techniques. Il y a la possibilité d’intégrer des workflows, mais aussi des règles de gestion et de calcul assez sophistiquées permettant de transformer la donnée sans rentrer dans un développement spécifique ; la plus-value d’un outil no-code intégrant une brique low-code pour couvrir encore plus de cas d’usage.

Devant ce foisonnement de solutions, ce qui va faire la différence d’une entreprise à l’autre, c’est sa capacité à choisir une solution remplaçant toutes les autres. L’enjeux de les uniformiser est très important pour l’informatique car cela peut générer des coûts et une incohérence entre les données.

Pourriez-vous citer plusieurs contextes dans lesquels QuickConnect a été utilisé ? Qu’est-ce que son implémentation a pu y apporter ?

Ils sont nombreux, du fait de sa polyvalence et de sa facilité d’intégration. J’en vois néanmoins deux bien spécifiques.

Le premier concerne le Lab TB, la direction innovation de Bouygues Travaux Publics. Dans le cadre des chantiers du Grand Paris en 2019, ils ont souhaité digitaliser le contrôle qualité des voussoirs des tunnels.

La solution a permis de digitaliser l’ensemble des contrôles qualité, ce qui a amélioré leur fiabilité et a fait gagner du temps aux utilisateurs terrain qui pouvaient à l’aide de tablettes ou de smartphones scanner des QR Codes ou des tags NFC et compléter aisément les informations à saisir. Ceci a également permis au Lab TP de créer des rapports de suivi de l’avancement des actions sur le chantier ainsi que la création des DOE, dossier des ouvrages exécutés à destination du client.

Le deuxième exemple édifiant d’utilisation de QuickConnect est celui de COLAS, qui avait besoin d’une solution pour déployer son programme Colas One Safety. Il s’agit d’un projet qui permet d’ancrer une culture et des pratiques sécurité homogènes au sein de l’entreprise. Toutes les données issues des différents contrôles de sécurité sont remontées au sein d’un datalake qui permet des analyses et des améliorations itératives des dispositifs de sécurité.

Je pourrais en lister d’autres :

  • Suivi de l’installation des prismes en façade
  • Contrôles qualité des acropodes sur le chantier de Port La Nouvelle
  • Suivi de productivité et contrôle qualité et sur le chantier Eolien de Fécamp
  • Suivi des process autour de la sécurité des personnes
  • Divers process comme état des lieux, échange de carburant, rapport journalier, rapport de réparation, journal de chantier
  • Gestions de contrôles sur des matériels de levage (grues)
  • Gestion d’un parc locatif avec un suivi de petits équipements
  • Réception et restitution des équipements
  • Gestion de remise en circulation des bungalows
  • Suivi palette avec réception et restitution des palettes intégrant un capteur de géolocalisation
  • Suivi de la production de câbles

QuickConnect est un parfait exemple de ce qu’on appelle la Constructech, quel est votre avis au sujet de l’évolution de ce marché ?

Nous sommes au cœur de la rencontre entre le numérique et le secteur de la construction : dans les années à venir, ce métier va connaitre une croissance phénoménale. Jusqu’alors, la construction avait évolué lentement dans ses méthodes de travail et était restée en retrait par rapport à l’usage de l’informatique. Il y a donc de forts enjeux de digitalisation, et C2S a son rôle à jouer là-dedans. L’aéronautique et l’industrie ont compris cela, il faut maintenant relever ces enjeux au sein des métiers de la construction, qui sont avant tout des enjeux de qualité et de performance, de productivité et d’attractivité. Un chantier regroupe de nombreux acteurs : professionnels, sous-traitant, matériels… Le digital aide grandement à piloter et à assurer une meilleure productivité dans cette gestion générale.

Chose importante à relever : la construction se modularise de plus en plus, avec des éléments de plus en plus préparés en usine et finalement assemblés sur chantier. On comprend donc bien, par analogie avec ce qui se passe dans l’industrie, l’importance de l’informatique dans un secteur qui se transforme dans cette direction.

La Constructech a de beaux jours devant elle. Beaucoup d’innovations techniques sont encore à venir, notamment grâce à l’IoT et à l’usage des données collectées. Cette transformation digitale de la construction dépendra de capacité à faire les bons choix en écoutant le terrain dans un marché avec des solutions foisonnantes mais pas toujours stabilisées. Ainsi, la création d’actifs digitaux propres à notre Groupe est complètement d’actualité.

Le Groupe Bouygues a bien l’intention de capitaliser sur son savoir-faire en intégrant le digital comme levier de qualité et de productivité mais aussi pour apporter des solutions aux défis des enjeux environnementaux que nous avons tous à adresser.

Joseph Lorgeoux, Chargé de communication et Marketing