La transformation digitale du BTP : vers l’adoption de nouveaux outils digitaux sur les chantiers

Depuis de nombreuses années, une nouvelle phase se profile dans le secteur du bâtiment, où technologie, et digitalisation sont les maîtres-mots. Quelles soient petites ou grandes, les entreprises du BTP ont une volonté commune : redorer l’image de ce secteur peu connu du grand public.

Retour sur les enjeux actuels de la transition digitale du BTP, avec notre consultante experte, Cécile TERRADES qui nous explique les divers changements ainsi que l’adoption de nouveaux outils digitaux pour faciliter le travail des compagnons sur les chantiers.

Comment définis-tu ton rôle auprès des clients que tu accompagnes ?

Nos rôles sont multiples et variés au sein de la Manufacture du Digital et nos casquettes doivent absolument changer selon les missions pour qu’elles soient réussies. Il s’agit, avant tout, de percevoir les enjeux du projet et ses interactions avec les processus de l’entreprise et les acteurs impliqués. Nous sommes des facilitateurs à toute étape d’un projet IT. Cela peut aller de la phase « d’avant-projet » (ateliers d’idéation, benchmarks de bonnes pratiques…), aux phases de déploiement terrain (équipes de déploiement in situ, documentation…). Notre atout, c’est d’avoir toujours en ligne de mire la valeur dégagée par le projet.

Peux-tu nous faire un bref rappel de ce que désigne la transformation digitale dans le secteur du bâtiment ?

La transformation dans le secteur s’est opérée naturellement : Nos modes de vie sont de plus en plus connectés. Les ouvrages dans lesquels nous vivons se devaient de l’être également.

Voilà une dizaine d’années que les grands Groupes du Bâtiment ont noué des partenariats avec des entreprises liées au digital (capteurs, plateformes de supervision, traitement des données) pour livrer des ouvrages connectés. Il me semble qu’aujourd’hui, la transformation digitale, ce sont avant tout des questions d’assemblage de solutions.

Selon une enquête réalisée par le média de la construction Cayola en novembre 2020 : « Pour beaucoup d’entreprises qui s’attèlent à avancer dans leur digitalisation (46%), la plus grande difficulté est de créer une seule feuille de route stratégique à l’échelle de toute l’entreprise, afin d’aider à prioriser des cas d’usages et des investissements technologiques ». Le secteur a été opportuniste et a « empilé » des solutions sans stratégie digitale.

Je ne suis pas certaine qu’il faille absolument tracer une feuille de route. Nombre de technologies, notamment l’internet des objets, sont en devenir : Les trajectoires doivent pouvoir être changées rapidement et le secteur l’a compris.

Le cap principal est la Data : il faut pouvoir la capter, la stocker, la traiter, et l’exposer. La transformation digitale, c’est se donner les moyens d’y arriver pour passer le cap de la smart city : des ouvrages connectés et ultra communicants.

Tu nous décris là les enjeux du Digital pour les ouvrages livrés mais qu’en est-il de la phase chantier ?

Les chantiers sont fortement contraints par des obligations « classiques » de planning, de suivi financier, de sécurité au travail.

Dans tous ces domaines, la saisie d’information en mobilité a été cruciale pour capter la donnée au plus près de l’opérationnel.

Ça change beaucoup de choses pour piloter l’activité et trouver des gains. Des workflows embarqués permettent d’assurer la fluidité des tâches. Un chantier, ce sont des tas d’acteurs, de sous-traitants, de matériels à mettre en œuvre : Le digital aide grandement à piloter et à assurer une meilleure rentabilité.

Par-delà ces enjeux opérationnels, les chantiers se doivent de plus en plus de communiquer auprès de l’extérieur, notamment sur les données RSE. Là encore, c’est le digital qui permet d’atteindre ces exigences.

Penses-tu que la transformation digitale des entreprises du BTP améliore les conditions de travail des collaborateurs sur le terrain ?

Incontestablement, OUI. Pour tout ce qui concerne les suivis de la production du chantier, le digital permet de fluidifier les workflow. Cela facilite les conditions de travail du management qui récupère les informations plus facilement et le plus souvent en temps réel, mais également celle des compagnons qui sont majoritairement technophiles. Ils sont nombreux à se sentir valorisés par l’utilisation de tablettes et d’applications mobiles. Le compagnon est d’ailleurs le principal « client » ciblé par nombre de projets digitaux en cours et cela adresse un spectre large de domaines : des solutions de chasuble chantier avec capteur pour prévenir les blessures lombaires, jusqu’aux projets permettant au grutier de travailler au sol.

MAIS, Il reste du chemin à parcourir à tous les niveaux à commencer par des sujets d’organisation ou de processus.

Cela passe par des sujets très terre à terre tels que les positionnements optimums de tablettes pour permettre aux compagnons de saisir des informations « au fil de l’eau » sans gêner la production. De même, en l’état actuel des choses, le chantier doit intégrer du « temps digital » dans la journée : les datas qualitatives, notamment sur les conformités des tâches, ou les difficultés techniques rencontrées passent par le compagnon. Beaucoup de ces informations étaient exclusivement échangées oralement. Saisir certaines d’entre elles sur une tablette requiert aujourd’hui un peu de temps. D’autant que les grands groupes recourent à l’intérim et à la sous-traitance. Tout l’enjeu est donc d’intégrer le mieux possible le digital afin qu’il ne soit pas consommateur de temps.

Du coup, quelles sont les dispositions prises par les entreprises pour adresser ces enjeux ?

Les entreprises continuent de travailler de front sur les 2 piliers du digital : Les solutions techniques (capteurs, applications mobiles, data lakes…) et le terrain (feedbacks utilisateurs, aménagements de l’organisation, logistiques digitales…). L’un ne va pas sans l’autre et les deux volets s’alimentent.

La Manufacture du Digital porte une conviction simple : « Le digital ne se décrète pas, il se construit ». Avec une seule cible, le digital doit être facilitateur pour le business à tous les niveaux d’organisation. C’est cela qui se construit et c’est là-dessus que la Manufacture du Digital accompagne ses clients. Ils partagent d’ailleurs cette vision et ont parfaitement compris qu’une solution digitale miracle, ça n’existe pas.

La première disposition prise par l’entreprise est d’intégrer l’agilité dans la mise en place des solutions. Tout comme les GAFA, elle utilise le mode itératif, et le « test and learn ». Elle déploie donc une présence terrain constante pour améliorer l’expérience utilisateur et réduire le « temps digital » que j’évoquais précédemment. Pour prendre un exemple concret, les applications mobiles destinées aux compagnons sont parfois encore trop « verbeuses ». Pour un secteur qui a recourt à l’interim, cela peut faire perdre du temps. L’interface doit être facile simple et immédiatement comprise, y compris par des collaborateurs qui maîtrisent parfois mal le français. Les clés du succès sont dans ces détails ; monitorer ou observer les feedbacks utilisateurs permettent d’améliorer la solution technique.

Peux-tu nous dire en quelques mots, quels sont les outils numériques disponibles aujourd’hui ?

Il y a évidemment une foule d’outils numériques sur le marché, adossés ou pas à des technologies de capteurs ou de récupération de la data.

Je citerais en priorité l’application mobile QUICK CONNECT parce que c’est l’un de nos outils « maison ». Il permet à nos clients de créer des formulaires et de les publier sur une application mobile pour leurs opérationnels afin de récupérer rapidement des données de production, de pointages d’heure, de contrôle qualité…. Au-delà du fait qu’il s’agisse d’une application C2S, la Manufacture du Digital s’appuie beaucoup sur cet outil pour accompagner le déploiement digital de ses clients pour deux raisons principales :

  • Sa facilité d’utilisation et sa rapidité de mise en œuvre :

Cela permet à une organisation de tester la valeur d’une solution digitale pour un usage donné.

Son caractère générique permet à nos clients de rapidement apprécier les bénéfices et contraintes d’un formulaire métier digitalisé. Il est parfaitement adapté au « Test and learn » nécessaire au déploiement du Digital.

  • Sa capacité à adresser les spécifiques d’une organisation

Si l’offre marché de Quick Connect est orientée générique, elle permet néanmoins de proposer des solutions « sur mesure » à nos clients.

Cela répond parfaitement à la démarche itérative que nous proposons. C’est ce qui nous a amenés à collaborer avec la Startup Bouygues OMNISCIENT qui propose des solutions de géolocalisation de matériel et a vu tout l’intérêt de compléter son offre avec des formulaires métier (production de matériel, conformités de la production). Nous sommes engagés avec eux à améliorer l’application mobile en assurant le contact avec les enjeux opérationnels et business de leurs clients finaux. L’aventure est évidemment passionnante et très challengeant pour nos équipes, comme pour nos clients.

Le secteur de la construction et le digital ont de beaux jours devant eux. Les innovations techniques à venir, notamment sur l’internet des objets offrent des perspectives qu’on ne se figurent probablement pas toutes au moment où nous avons cet entretien. La transformation digitale dont nous entendons tous parler, ce sera notre capacité à faire le lien entre terrain et solutions quelles qu’elles soient. C’est le dialogue constant entre les deux qui fera la différence.

Cécile Terrades, Consultante experte à la Manufacture du Digital