L’expérience utilisateur au cœur de la transformation digitale

Aujourd’hui, rares sont les réformes qui n’impliquent pas la mise en place d’un dispositif numérique. Pour s’assurer de leur succès, les concepteurs de ces dispositifs doivent tenir compte des habitudes des utilisateurs, de leurs attentes et de leur ressenti. C’est ce qu’on appelle le « design centré sur l’expérience utilisateur ».  

Avec la transformation digitale, les nouveaux dispositifs numériques mis en place par les entreprises et les organismes publics foisonnent. Ces dispositifs peuvent prendre la forme de sites web, d’applications mobiles, de services en ligne ou de réseaux sociaux. Ils sont destinés à des types d’utilisateurs différents : clients, collaborateurs, usagers, citoyens… Ces profils ayant une culture numérique plus ou moins grande avec des réflexes et des habitudes plus ou moins acquis, comment adapter au mieux les outils numériques à leurs besoins ?

Les méthodes de conception centrées sur l’expérience utilisateur viennent de plusieurs disciplines et ont été largement utilisées par le marketing. En effet, les marques analysent depuis longtemps des outils et méthodes leur permettant d’analyser l’expérience de leurs clients, avant, pendant et après l’achat de leurs produits ou services. Ceci afin de pouvoir les améliorer. L’informatique n’est pas en reste puisque cela fait longtemps que les concepteurs de logiciels et les spécialistes de l’ergonomie informatique utilisent des méthodes visant à étudier et à prendre en compte l’expérience de l’utilisateur.

Ce qui nous intéresse donc aujourd’hui, c’est l’évolution que prend l’expérience utilisateur au milieu des bouleversements liés au numérique que subissent les organisations (entreprises, collectivités…). Alors qu’il y a vingt ans, la mise en place d’un logiciel dans une entreprise nécessitait la formation de ses quelques utilisateurs sur leur poste de travail, aujourd’hui les logiciels sont utilisés par un vaste nombre d’utilisateurs, ils sont accessibles depuis différents terminaux, sont connectés entre eux, permettent des usages très variés autour de contenus de différents formats. Tout cet écosystème étant fortement interconnecté. Il y a vingt ans, un utilisateur qui n’était pas à l’aise avec le nouveau logiciel que lui proposait sa DSI n’avait pas d’autre choix que de l’utiliser. Aujourd’hui, avec la multiplicité des outils numériques qu’il tient à sa disposition, si un nouveau logiciel ne lui plaît pas, il pourra, dans la plupart des cas, utiliser d’autres outils numériques trouvés sur le cloud. Ou même, pourquoi pas, conserver ses anciennes habitudes. C’est le cas notamment dans les projets de réseaux sociaux d’entreprises : pourquoi publier un post dans une communauté alors que je peux faire un bon vieux mail ? Pourquoi faire une réunion virtuelle alors qu’on a l’habitude de nos réunions traditionnelles ?

Par conséquent, la prise en compte de l’expérience utilisateur est devenue fondamentale. Et ce, dans toutes les phases du projet : de la stratégie à la conduite du changement en passant par la conception du dispositif.

L’expérience utilisateur c’est la perception et le ressenti d’une personne qui utilise ou qui s’apprête à utiliser un système numérique. Ce système étant composé d’un ou plusieurs logiciels, mais également des autres utilisateurs et de l’ensemble des informations qu’il permet de manipuler. La prise en compte de cette expérience va donc être essentielle pour assurer l’adoption du nouveau dispositif.

A la recherche de l’utilisateur

« You are not the user » : « You » désignant le concepteur, telle est la profession de foi du design centré sur l’utilisateur.

On ne compte plus les projets qui échouent car les outils proposés avaient été imaginés du seul point de vue du concepteur et de la perception biaisée qu’il avait des besoins des futurs utilisateurs. C’est pourquoi il est important d’accorder du temps à ce qu’on appelle la « recherche utilisateurs ». Il s’agit d’un ensemble d’actions visant à :

  • découvrir les comportements des utilisateurs et leurs contextes ;
  • comprendre leurs motivations et leur état d’esprit ;
  • identifier les points noirs, les manques et les sources potentielles de mécontentement ;
  • apporter des nouvelles idées pour faire les choses autrement et plus simplement.

Il serait trop long de décrire ici l’ensemble des actions et moyens de la recherche utilisateurs mais on peut les regrouper en deux grandes catégories :

  • la recherche primaire, qui consiste à travailler directement avec les utilisateurs et qui va notamment comprendre les entretiens, les ateliers et les enquêtes ;
  • la recherche secondaire, qui consiste à obtenir indirectement des informations sur les utilisateurs en notamment grâce à la documentation pré-existante et aux statistiques d’utilisation des dispositifs en place.

Cette phase de recherche va permettre d’élaborer des portraits-robots d’utilisateurs : les « persona ».

Les persona : un point de repère tout au long du projet de transformation

Puisqu’il est difficile, voire impossible, de consulter l’ensemble des utilisateurs à chaque étape du projet, les méthodes de design centrées sur l’expérience utilisateur font appel aux « persona ». Ce sont des portraits robots d’utilisateurs-types. Il ne s’agit pas de catégories d’utilisateurs (DRH, Marketing, DSI, etc.), mais de quatre ou cinq profils types regroupés autour d’usages ou de besoins communs. Ils pourront prendre la forme de fiches décrivant une personne fictive, ses usages actuels et ce que pourrait lui apporter le nouveau dispositif.

Les persona peuvent être utilisés tout au long du projet de mise en place du nouveau dispositif : de l’analyse des besoins au déploiement en passant par la conception et les tests. Ils permettent par exemple de tester les nouvelles idées de services, en vérifiant si ceux-ci seraient adaptés aux différents types d’utilisateurs. Ils permettent également de construire des scénarios de tests. Les testeurs se mettant dans la peau de différents types d’utilisateurs identifiés.

Dans la mesure du possible, les vrais « utilisateurs » doivent être sollicités, sous forme de « focus groups » par exemple, tout au long du projet. Ce qui permet de vérifier la compatibilité des informations et services imaginés avec leurs besoins et leurs attentes.

Cartographier l’expérience utilisateur

La cartographie de l’expérience utilisateur est une représentation qui doit permettre d’identifier les opportunités d’amélioration d’un service.

Les éléments structurants pour élaborer la cartographie de l’expérience utilisateur sont les suivants :

  • la durée, qui doit être la plus large possible, en partant bien avant l’arrivée du nouveau système numérique et en s’arrêtant après ;
  • les étapes avec une description des principales échéances et des principaux points de contact entre l’utilisateur et le dispositif ;
  • le ressenti des utilisateurs.

A partir de là il est possible d’identifier les opportunités d’amélioration du système ou du service. Soit en développant les expériences positives (satisfaction, maîtrise de l’outil, service rendu), soit en atténuant les expériences négatives (stress, incompréhension…).

La cartographie pourra être adaptée en fonction des persona identifiés.

Prendre en compte l’expérience utilisateur dans la conception et les tests…

Les persona et la cartographie de l’expérience utilisateur sont des éléments clés qui vont être utilisés sur l’ensemble des étapes suivantes du projet. Ainsi, chaque nouvelle idée de conception devra être jugée en fonction du point de vue des différents persona, et devra permettre l’amélioration du système en fonction des opportunités identifiées dans la cartographie de l’expérience utilisateur.
De la même manière, les tests devront être réalisés en se mettant à la place des différents persona identifiés et devront vérifier si l’expérience est améliorée.

… et dans la conduite du changement

La conduite du changement consiste en un ensemble d’actions (notamment de communication et de formation) engagées auprès des futurs utilisateurs, visant à faciliter le passage de l’ancien système vers un nouveau. L’expérience utilisateur tient une grande place dans ce type de projet car la conduite du changement doit être adaptée aux différents types d’utilisateurs visés. Les persona sont donc encore utilisés pour concevoir, non plus des outils numériques, mais des actions. Par exemple, la personne qui va utiliser au quotidien le nouvel outil peut avoir besoin d’une formation sur les fonctionnalités qui la concernent et d’un support, tandis que le manager va avoir besoin d’une communication sur l’intérêt global de l’outil et l’ensemble des usages possibles.

En conclusion, il ne faut pas voir dans le design centré sur l’expérience utilisateur une véritable révolution mais une nouvelle approche globale d’un projet prenant mieux en compte le ressenti et les besoins des utilisateurs. Cette prise en compte étant valable sur toutes les phases du projet.

Par ailleurs, il est important d’avoir à l’idée que les besoins ne se trouvent pas systématiquement dans la tête des utilisateurs. On entend souvent, à ce sujet, la fameuse citation d’Henry Ford : « si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides ». Travailler sur l’expérience utilisateur, ce n’est pas simplement comprendre les utilisateurs mais surtout utiliser cette compréhension pour favoriser leur adoption des changements apportés, avec pour objectif une efficacité maximum afin de contribuer au développement optimum de l’entreprise.

Charles de Véricourt, Consultant Expert en Transformation Digitale